Il était une fois New York, il était une fois Weegee

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Crédit dessin : AUK (Camille P.)

Sorti il y a un an aux éditions « Sarbacane », Weegee : Serial Photographer nous plonge dans le New York du célèbre photographe Weegee. Cette bande dessinée retrace son parcours sur un scénario de Max de Radiguès et une illustration de Wauter Mannaert. 

Un roman (graphique) noir

Arthur Fellig alias Weegee (1899-1968) est un photojournaliste américain connu pour ses photographies de la vie new-yorkaise. Des clichés en noir et blanc montrant une ville à la fois sombre et éclairée, ses incidents et ses cabarets. L’oeuvre de Weegee se concentre principalement sur des scènes de crimes, en passant du meurtre à l’accident. Toujours premier sur les lieux, il semble doté d’un pouvoir surnaturel lui permettant de prédire où et quand se produisent ces événements. On dit de lui qu’il est « un démon du Ouija«  ce qui lui vaudra son surnom (ndlr. Weegee étant la prononciation de Ouija). Un personnage singulier et une atmosphère particulière qui inspirent la création de cet ouvrage. Le travail de Weegee découvert par hasard pour Max de Radiguès, et, inspirateur pour Wauter Mannaert qui d’ailleurs explique que :

« Son travail m’a permis de rêver de ce monde extravagant des années 40, en noir et blanc ». 

Weegee : Serial Photographer est une collaboration entre Max de Radiguès, le scénariste – mais également libraire, dessinateur et éditeur de l’Employé du Moi – et Wauter Mannaert, l’illustrateur – connu pour ses strips et reportages dessinés dans le journal belge Brussel Deze Week. Le style de cette bande-dessinée est proche du roman noir par le suspense qu’imposent certaines planches et la réalité sociétale que reflète l’oeuvre de Weegee. Quant au genre, il est aussi libre que le photographe dont l’oeuvre parle, ne suivant pas les formats habituels de la bande dessinée franco-belges, ce livre est un roman graphique. Pour ce qui est de l’aspect, il n’y a pas de couleurs, seulement du noir et blanc mais un travail rigoureux sur la lumière. Une technique de clair-obscur qui donne de la profondeur au dessin. Même si ce dernier est réalisé à l’ordinateur, les contours restent apparent, ayant une certaine texture. Le trait s’intensifie sur quelques planches dépourvues de cases. La force du trait y crée une atmosphère violente qui accentue la représentation des cauchemars faits par Weegee.

Weegee, photographe haut en couleur

Costard, appareil photo greffé à la main, cigare à la bouche et panama noir du quel dépasse son nez, Weegee est un personnage singulier. Le lecteur suit le photographe doté de sa volonté immuable de devenir « le meilleur photographe de New York », de ses débuts jusqu’ à la publication de son livre Naked City, ainsi que son envolé vers le succès, son envolé vers Hollywood. Un parcours qui ne fut pas de tout repos : le photographe a dut affronter les critiques, son regret de devenir un célèbre violoniste et être partagé entre l’amour de deux femmes que tout oppose. D’une part, la belle et jeune Irma, une prostituée à la personnalité excessive, emportée et d’une autre part, Rita, d’origine italienne et gérante d’un restaurant. Weegee devient un personnage attachant. A travers le photographe, ce dresse le portrait d’une ville. New York, la nuit, ses quartiers cosmopolites, chinois, italiens, hébraïque, mais également ses crimes.

Branché à la radio de la police et avec l’aide de son ami policier, Marvin, le photojournaliste traque la moindre rue à la recherche de macchabées. Arrivé sur la scène, c’est avec minutie qu’il observe ces corps, s’en approche doucement… et modifie leur emplacement. En effet, le photographe changeait la posture des morts qu’il trouvait afin de rendre ses clichés plus spectaculaires. Il en fera des cauchemars dans lesquels il devient meurtrier et tue sans pitié pour obtenir la photographie parfaite. Ses pellicules sont traitées dans le laboratoire de Weegee, à l’arrière de sa voiture, contenant une machine à écrire pour les authentifier mais également de multiples appareils de rechange, des cigares et des bouteilles de Coca Cola.  Elles seront ensuite envoyées à des journaux dont elles feront la une. Les clichés de Weegee représentent généralement la vie nocturne New-Yorkaise. Une représentation sobre avec quelque affiches et peu de personnes. D’ailleurs le photographe explique qu’il cherche à :

 « Montrer combien, dans une ville de dix millions d’habitants, les gens vivent en complète solitude » – Weegee

Ses images en disent long sur la société. Il y a beaucoup de scènes de voyeurisme, aussi bien dans les coulisses de cabarets que sur les scènes de crime. Il y a également des scènes de la vie courante comme une coupure d’électricité (Faces After A Blackout), mais aussi d’autres plus surprenantes comme un homme ivre allongé devant une entreprise de pompes funèbres (Doorstep Delivery). A travers ses photographies Weegee est un témoin de son époque, de la misère suivant la Grande Dépression (Heat Spell), de ses mœurs comme par exemple son regard face à l’homosexualité et la transsexualité (The Gay Deceiver). Quelques planches de la bande-dessinée donnent vie aux œuvres de Weegee en y décrivant l’envers du décor. Toutes sont présentes dans le portfolio suivant (hormis The Gay Deceiver & Shoting in Forn Of My Studio)

Galerie :

Heat Spell – New York, 23 mai 1941
Weegee Using Typewriter In His Car Trunk – 1942
Golden Girl – 1950
The Gay Deceiver – (date inconnue)
The Critic – New York, 23 novembre 1943
Weegee pris en photo sur l’escalier de secours de son immeuble – 1939

Weegee Serial photographer mêle avec brio suspense et rebondissement, donnant une seconde vie à l’oeuvre du photographe … brillant !

 

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